Robert Etcheverry
Netflix… un plaisir coupable?
Mathieu Plante
Tout comme moi, vous êtes peut-être abonné à Netflix. C'est sûr que c'est tentant : des centaines d'œuvres télévisuelles et cinématographiques à un clic de votre sofa. On se dit que c'est la voie de l'avenir et qu'un jour on pourra enfin se débarrasser de notre vidéothèque maison qui prend tant de place et ne plus avoir à aller au club vidéo sous la pluie.
Si Netflix persiste et signe, s'obstinant à piétiner nos lois sans être dérangé et à vouloir écraser notre culture avec ses gros sabots, je vais y penser à deux fois avant de me réabonner. Et vous?
Mais si vraiment vous êtes comme moi, ce virage ne s'est pas fait sans être accompagné d'un certain sentiment de culpabilité. C'est qu'il y a encore sur Netflix trop peu de contenu francophone, encore moins québécois. Comment s'assurer aussi que l'entreprise américaine de service vidéo respecte les lois de notre industrie et que les auteurs des oeuvres offertes soient économiquement liés à leur utilisation?
Netflix avait pourtant promis de tailler une place acceptable au contenu francophone dans son catalogue. Mais, mis à part Laurence Anyways de Xavier Dolan, avez-vous déjà rencontré un seul titre québécois, ou même canadien? Les films de langue française, une centaine tout au plus, proviennent pour la plupart de l'Hexagone. Encore il y a quelques mois, on pouvait y trouver certaines séries québécoises, mais ces oeuvres ont été depuis éliminées du catalogue.
Peut-on se consoler en se comparant? En examinant comment Netflix se porte, et se comporte, ailleurs dans le monde? Le service est aujourd'hui disponible dans plus de quarante pays et le catalogue offert est fait sur mesure pour tout un chacun. Partout où il s'installe avec ses gros sabots, Netflix bouleverse les lois du marché. L'entreprise s'oppose catégoriquement à révéler ses chiffres et ses documents aux différents gouvernements, de peur qu'ils ne soient récupérés par ses concurrents. Même aux États-Unis où l'entreprise a pourtant vu le jour, ces gros problèmes sévissent.
Mais la France est peut-être, dans une certaine mesure, un exemple à suivre. Comme presque partout ailleurs, l'entreprise américaine s'est insinuée tel un envahisseur barbare, mais le gouvernement français a tout de même réussi à exiger que Netflix produise et finance une série en sol français, avec des artistes français, des auteurs jusqu'aux acteurs. Ce n'est pas le pactole, mais c'est quand même un début, non?
Pourrait-on espérer qu'ici, le CRTC mette ses culottes et exige plus de Netflix? De forcer l'entreprise, comme la loi l'impose à la plupart des joueurs du secteur, à financer des émissions nationales, à respecter des quotas et les règles établies depuis des décennies? Il semble pour l'instant que non, car à l'heure actuelle, le CRTC a tranché: Netflix pourra faire ce qu'il veut ne sera pas règlementé. Les abonnés de Netflix en sol canadien n'auront pas à financer des fonds de production canadienne comme le font les abonnés du câble, et elle ne sera pas tenue de diffuser un minimum de contenu canadien.
Cette sacro-sainte autonomie du Web est une menace bien réelle à notre industrie. Si Netflix persiste et signe, s'obstinant à piétiner nos lois sans être dérangé et à vouloir écraser notre culture avec ses gros sabots, je vais y penser à deux fois avant de me réabonner. Et vous?