Des croissants et des auteurs...
Mathieu Plante
Tous ceux présents à l'assemblée générale du 27 novembre 2011 savent déjà que c'est Carmel Dumas qui a animé les deux ateliers du matin, remplaçant au pied levé Sylvie Lussier, retenue en Bolivie où elle s'était fait voler son passeport. Et tous ceux qui n'étaient pas là, comment pouvez-vous être certains que je n'ai pas inventé tout ça juste pour me rendre intéressant et attirer votre attention?
La question du premier atelier est aussitôt lancée : Aimez-vous écrire autant qu'avant?
Richard Blaimert répond oui, mais...
En fait, j'ai retrouvé ce plaisir tout récemment. Je l'avais perdu avec la fin de Sophie Paquin et le début de Penthouse 5-0. Ça faisait des années que je travaillais trop. Le succès, ça attire les journalistes et ça vous met de la pression. Et même si on écrit un bon épisode, on n'a pas le temps d'en profiter parce qu'on en a un autre à faire tout de suite après. À la fin de la saison quatre de Sophie Paquin, j'ai commencé à sentir la fatigue.
Ce qu'il appelle avec humour, son SPTTDC...
Oui, mon «Syndrome post-traumatique du trop de commentaires». J'adore les scripts-éditeurs, mais je suis tout le temps nerveux quand j'attends des commentaires. J'ai mis mon âme dans mon texte, j'aimerais ça que ce soit juste bon et ne pas recevoir de commentaires négatifs. À cause de ça, pendant un certain temps, écrire est devenu comme une fonction. Alors avec Radio-Canada, on a décidé d'arrêter Penthouse 5-0. J'ai voulu me changer les idées, écrire un film pendant deux mois et vivre une liberté totale sans script-édition. Je me suis même dit que j'allais le réaliser moi-même mon film et j'ai finalement retrouvé le plaisir de créer.
La voix caverneuse de Steve Galluccio se marie bien à son regard plutôt hagard. Il nous avoue ne pas être à son meilleur aussi tôt un dimanche matin.
Moi, je travaille la nuit. J'écris surtout pour le cinéma. J'aime ça avoir des idées, les pitcher. J'aime ça le show-business, je trouve ça vraiment merveilleux. Quand je commence un projet, je suis excité. Un premier jet, c'est vraiment le fun. Mais rendu au cinquième, un peu moins. Les commentaires, moi ça ne me dérange pas pourvu que je sois d'accord. J'ai aussi fait aussi beaucoup de théâtre et c'est une forme plus pure d'écriture, avec moins de commentaires.
Claude Lalonde, lui, travaille plutôt le matin.
J'aime ça me lever en pensant à ce que je vais écrire dans la journée. Le bonheur d'écrire, je l'ai chaque jour. Après Les Trois petits cochons, j'avais deux films en chantier qui se sont faits presque en même temps. 10 et demi, dont le tournage avec Podz s'est très bien passé, était une histoire très personnelle qui racontait ce que j'avais vécu comme éducateur. C'était une situation jouissive pour moi.
Mais avec Filière 13, on a changé de réalisateur à la dernière minute et je ne reconnaissais plus mon scénario, surtout la finale. J'ai détesté le film et je l'ai dit publiquement. Le film a eu de mauvaises critiques et j'avais vraiment honte. Ça m'a pris du temps avant de vouloir recommencer à écrire. Il a fallu que j'avale ma pilule et maintenant ça va beaucoup mieux. J'ai totalement retrouvé le plaisir d'écrire.
Comme Francine Pelletier réalise la plupart de ses scénarios, son cas est différent de celui des autres panellistes.
Mais je dois quand même vendre mes idées au producteur et au diffuseur. Malgré la situation pénible du documentaire, j'aime toujours écrire. C'est très ironique : c'est l'âge d'or du documentaire, le festival Hot Docs a augmenté son auditoire de 750 % en dix ans, mais c'est quand même de plus en plus difficile pour les documentaristes.
Le Fonds canadien des médias a complètement changé ses règles : les diffuseurs peuvent mettre l'argent où ils veulent et ne sont plus obligés de faire un minimum de documentaires. Comme l'immense majorité de l'auditoire est à la télévision, et qu'il est presque impossible de financer un documentaire sans avoir l'intérêt d'un télédiffuseur, on est mal pris. À moins de passer par des circuits indépendants, il est presque impossible d'obtenir du financement. Et en plus, le fédéral exige que chaque projet ait un pendant sur le web. Il faut donc en faire plus avec autant d'argent.
Écrire, Joanne Arseneau aime de mieux en mieux ça.
Quand j'ai commencé, j'écrivais en gang. J'ai ensuite voulu trouver ma propre voix, mais c'était hyper angoissant. Souvent ce qu'on demande à un auteur est surhumain. Dix heures de télé à écrire en sept mois, c'est pas évident. Mais on se donne quand même à fond, parce qu'on veut que notre série soit diffusée. Récemment, j'ai donc décidé de recommencer à écrire en gang pour la télé. Mais en cinéma, j'écris toujours toute seule.
Claude Lalonde n'est pas du tout nostalgique de l'époque où il a commencé.
Mon projet préféré, c'est toujours le prochain, celui que j'ai pas encore écrit.
Moi aussi c'est le prochain qui m'excite, poursuit Steve Gallucio. Malgré toutes les contraintes, jamais je ne changerais de métier.
Moi j'appelle ça une liberté avec un corset, poursuit avec humour Joanne Arseneau. On sait qu'un film ne peut dépasser sept millions de budget et que ça prend des vedettes pour jouer dedans. On doit donc écrire notre personnage principal pour qu'il se moule à une des grosses vedettes du Québec. Je suis tellement habituée à cette situation que je ne sais même pas ce que je ferais avec plus de liberté.
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Cet article a été publié dans l’info-SARTEC de décembre 2011.
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