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Pat Filteau

Claude Robinson : le bilan

19 décembre 2014
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Bloc texte

Manon Vallée

Compte-rendu de l'atelier qui se tenait dans le cadre de l'Assemblée générale annuelle de la SARTEC le 30 novembre 2014.

Claude Robinson : « J’aimerais ouvrir la machine et si vous avez des questions, gênez-vous pas, on est entre nous! »

Sur ces mots, Claude Robinson débute ce qui est à peine une portion de résumé de son incroyable saga. Celle-ci débute en 1995, alors qu’il aperçoit ses « petits bonshommes » à la télévision et qu’il reconnaît sa propre tête.

Flash-back

En 1982, Claude a 30 ans. Il travaille sur un des films des Grands Explorateurs qui se déroule dans le Grand Nord. Il se retrouve tout à coup entouré de loups! Il se demande ce qu’il fait là et réalise que c’est sa curiosité qui l’a entraîné dans le Nord. Ainsi est né Robinson Curiosité. La curiosité de Claude  lui faisait vivre des situations particulières et ça s’est cristallisé dans ce personnage qui lui permettait de tout investir de lui-même.

Robinson Curiosité est un clin d’œil à Robinson Crusoe, rien de plus. Claude Robinson ne s’identifie pas à ce personnage, ne s’y associe pas. Après avoir réfléchi au personnage qu’il vient de créer, Claude décide de le tester. Il se déguise – grosses lunettes, chapeau d’explorateur - et va tester Robinson Curiosité dans les écoles et les hôpitaux. Il teste la réaction des enfants pour installer le personnage.  Il le créera « en dessous » de ce que l’enfant perçoit de sa propre intelligence, pour que l’enfant soit plus intelligent que son Robinson. Dès que le personnage  fait quelque chose d’intelligent, il pousse  les enfants vers le haut.  Claude réalise que c’est dans les hôpitaux que le  personnage devient le plus utile : il est pour l’enfant un moteur de motivation à son apprentissage, il sert à augmenter sa curiosité. Il le bâtit donc ainsi. Claude donne ensuite une série de spectacles et finalise ce qui allait devenir la série Robinson Curiosité.

Il a fait un dépôt légal de sa série et enregistre son œuvre à l’Office de la protection intellectuelle. En 1985, la série télé est déposée.

Dix ans plus tard, en 1995, il  découvre Robinson Sucroé qui reprend tous ses personnages! Au générique, il trouve 4 compagnies de production et six personnes  qui le tous connaissent personnellement. Des compagnies et des personnes à qui Claude a présenté son projet.

CINAR

En 1985-86, Téléfilm Canada conseille à Claude Robinson d’engager les fondateurs de Cinar pour présenter son œuvre sur le marché américain. C’est alors une toute petite compagnie composée de consultants à la distribution. Avec eux, il a rencontré Warner Bros, Disney etc. Ils conviennent d’une prévente avec Disney  pour un bon montant.  Disney exige seulement d’avoir la première diffusion.  

Mais tout à coup, le vent vire et les deux dirigeants de Cinar disent à Pathonic qu’il est préférable de s’associer avec des gens d’affaires plutôt qu’avec un auteur. Au retour de Los Angeles, Pathonic annonce à Claude qu’ils modifient  leur entente qui était de 50/50 pour la changer à 70/30.  On lui dit qu’on fait le take over de sa série parce que des idées, ça se trouve à tous les coins de rue et que c’est l’argent qui compte dans  la vie.

Claude Robinson avait maintenu tous ses droits. Il leur avait accordé une licence, mais n’avait rien  cédé.

Il décide alors lui-même de tirer la plogue. Tout a chuté, la production a été annulée, etc. Il faut donc recommencer à zéro. Un producteur de Montréal, François Champagne, demande à le rencontrer et lui offre de faire le travail que faisait Pathonic. Ils partent donc pour  Cannes au MIPTV. Claude rencontre des gens de la BBC, de Ravensburger, etc. Le kiosque voisin est occupé par les représentants  de Ravensburger. On est en 1987. Claude présente son projet à son voisin de kiosque. Dans la petite pièce derrière le kiosque, il y un autre homme présent et qui pourrait être intéressé par une coproduction. L’homme, c’est celui qui allait devenir le prétendu auteur de Robinson Sucroé. Dans le journal des évènements du MIPTV, le daily news, il y a même un article qui établit que cet homme, Christophe Izard, était bel et bien au même kiosque que Claude.

Or des années plus tard, Christian Izard, auteur de Robinson Sucroé, prétend en Cour qu’il n’a jamais rencontré Claude alors que plusieurs témoins viennent dire exactement le contraire.  De plus, il prétend être l’auteur de l’idée originale.

En 1991, Cinar se croit couverte et se lance dans la production de Robinson Sucroé.

L’œuvre

Les documents que Claude avait faits à l’époque et qu’il a pu déposer en Cour sont de cet ordre : 26 blocs de présentation;  12 demi-heures écrite, storyboardées;  100 et quelques synopsis; 132 comic strips; une bible complète avec description exhaustive de tous les personnages. TOUT était fixé sur un support. C’est la différence entre une idée protégée ou non : quand l’idée est fixée sur un support, elle devient une œuvre au sens de la loi du droit d’auteur.  Claude a aussi fait une version anglaise et italienne de son œuvre télé, il a écrit des synopsis de films,  etc.

Lors de l’enquête, les gens de Cinar  disent  aux policiers qu’ils n’ont jamais vu Claude… Mais ce dernier a toutes les preuves matérielles parce qu’il a tout gardé. Les policiers prennent des notes , les avocats sont là, les policiers déposent les contrats. Le  scénario de Cinar est alors défait, car ils croyaient que ces documents n’existaient plus!  Même à la BBC on dit ne pas connaître Claude Robinson. Mais ce dernier a gardé leur télex, signé de la main du responsable de la BBC… 

C. R. : « Il faut garder toute la documentation. J’avais les chèques, les factures, tout! »

En 1995, quand les assureurs de Cinar reçoivent la caisse de copies des documents de Claude, ils sont persuadés qu’il dit la vérité… C’est un des assureurs qui le lui dit en personne.  

En Cour, les gens de Cinar essaient de prouver que les personnages de Curiosité et de Sucroé ne sont pas les mêmes. Ils disent que leur personnage n’est pas pareil à celui de Claude puisqu’il porte des lunettes à bordures épaisses alors que Curiosité a des lunettes à bordures minces. Mais le caractère du personnage est le même, tous les éléments caractériels y sont, les interactions entre les personnages, toute la structure des personnages est la même, tout! Et tout est fixé sur support. Claude le répète, c’est notre protection à nous.

C. R. : « Ils ont fait des doublons de mes personnages. Le juge les a traités de bandits dans son jugement. »

Par exemple, le personnage que Claude a créé, Vendredi Férié : ce personnage d’homme noir représente la  fête de la connaissance, il se positionne face à Robinson, il le nourrit de toutes ses connaissances. C’est un savant, il est généreux, il ne monnaye pas ses connaissances. Les ennemis de Claude ont  fait un personnage semblable appelé Mercredi… Ils allèguent qu’il est différent de l’original puisque leur personnage est un Blanc. Claude apporte la preuve matérielle que Cinar lui avait demandé de changer le personnage de Noir en Blanc. D’ailleurs pour Claude, ce  meeting est devenu le début de la guerre… Claude a donc prouvé au juge que les modifications qu’eux souhaitaient apporter à son œuvre se retrouvaient dans Robinson Sucroé et que c’était de l’imitation déguisée. Dans le jugement, les choses sont écrites clairement : l’imitation déguisée n’est plus permise maintenant.

C. R. : «  Ce n’est pas ce que les autres en font qui est important, c’est ce qu’on retrouve de votre œuvre originale dans la série plagiaire. Je n’ai pas à prouver ce qu’ils ont ajouté au personnage, mais ce que je retrouve du mien dans leur œuvre. Dix-neuf ans de procédure. J’ai gagné, vous le savez…. Il y a eu des études de jurisprudence et c’est très bon pour nous. »

Claude Robinson a continué à prouver qu’il y a eu d’autres fraudes chez Cinar. Il avait appris qu’ils devaient de l’argent à la SADC. Claude avait lancé un mandat pour les questionner là-dessus, mais pendant ce temps, Cinar est allée rembourser les sommes dues à la SACD. Ils ont essayé d’effacer des traces.

C. R. : « Tout a été fait pour anéantir ma réclamation. »

Son meilleur coup a été de faire un tableau visuel de tous ses personnages : sa version de 1993,  ainsi que les versions précédentes de 1992 et 1990 non produites. Mais dans cette version de 1990, les dessins des  personnages  de Curiosité et de Sucroé sont identiques.

Il traînait tous ses dossiers en cours.  Un document déposé devient valide uniquement quand il est déposé dans le cadre d’un procès.  Un des avocats de ses adversaires émet un doute quant à sa capacité de prouver que c’est lui qui a bel et bien dessiné ce qu’il présente comme preuve. Claude sort alors un pad à dessin muni d’un trépied et prend un gros feutre. En 3 secondes, il dessine son personnage. L’avocat de la partie adversaire reste bouche bée. Claude donne  alors le feutre à Izard: « Demandez-lui donc de dessiner le personnage! » Le type rétorque que lui ne dessine pas. Claude rage : « Il sait pas dessiner!! L’auteur de mon œuvre?! «  Il ajoute qu’à la Cour, il faut être aussi théâtral que dans un scénario…

Le 23 décembre est une date butoir pour Claude. Tous les ans, il se passe quelque chose à cette date, comme le dépôt des pièces de la défense en 1997. Il a aussi eu son jugement gagnant le 23 décembre 2013.  Quand il a eu son jugement, il s’est retrouvé comme quand il était tout petit.

Pourquoi tout cela a-t-il pris 19 ans? Parce que les assureurs  de Cinar avaient besoin de toutes ces procédures. Cinar voulait le casser, l’assommer. Claude reconnaît que sans le soutien de la Sartec et de ses membres, il aurait réussi.

C.R. : « Je saurais jamais comment vous remercier…  Claire et moi, on veut faire un ouvrage -elle a pas la même version que moi des évènements - et on veut travailler en parallèle une même histoire. Claire a aussi enduré le dossier, mais moi en plus. On est deux personnes très ordinaires qui avons eu à vivre une situation qui a pas une maudite allure. Ce qui a fait la grandeur de ce dossier, c’est la puissance des adversaires, la grosseur de leur pouvoir économique, la grosseur de leur protection. »

Comment démêler ce qui appartient à Curiosité et à Crusoe dans l’œuvre de ses adversaires? Cinar a prétendu que Claude Robinson et eux s’étaient tous deux inspirés de Robinson Crusoe. Mais le problème qu’ils ont eu, c’est d’être partis de l’œuvre de Claude sans savoir que certaines choses n’apparaissaient pas dans Robinson Crusoe.  Ils ont écrit qu’ils s’étaient inspirés de l’œuvre de William Dafoe, un acteur,  et non de Daniel Defoe, le véritable auteur de Robinson Crusoe!  De plus, Claude avait créé un personnage d’éléphant qu’il a baptisé Boum-Boum. Questionné à ce sujet, Christophe Izard répond que son personnage de Van Boum-Boum, une grosse dame,  lui  a été inspiré par les Flinstones.  Le problème c’est que le petit garçon dans les Flinstones se nommait bel et bien Boum-Boum au Québec, mais qu’en France, il s’appelait Bam-Bam. De plus, dans la toute première version de Robinson Sucroé, version qui n’a jamais été diffusée, on découvre durant le procès que le personnage de Van Boum-Boum était bel et bien un éléphant. Et cela faisait aussi partie des recommandations du couple de Cinar à Claude de transformer ses personnages d’animaux en êtres humains tout en gardant leurs caractéristiques.

C.R. : « Il faut vous assurer que le juge est  nourri de la vérité et la vérité ça se nourrit à la petite cuillère dans la bouche du juge. Je me suis assuré que le juge absorbait toute l’information. Je n’ai pas cherché à avoir raison. J’ai cherché à l’alimenter de tout ce qui était un élément de vérité. Les juges ont pas le temps de tout lire. Ça va se passer au moment où vous avez le juge devant vous. Assurez-vous que lui est informé et méfiez-vous de tout le reste. »

Aujourd’hui, Claude a décidé de faire le vide, un wipe dans son cerveau encombré  de trop d’informations emmagasinées depuis 20 ans. Son cerveau se remet en place. Claude a recommencé à écrire. Il a un producteur, il a pondu la bible, il a déposé et il a le financement pour l’écriture. Il a fait le scène à scène, commencé les dialogues… Il peint 2 toiles par semaine, il s’est  installé un atelier,  un espace créatif fantastique ou il fait de la peinture, de la sculpture, etc.

C. R. :  « La créativité est revenue et j’opère! »

Claude Robinson, un  happy ending.

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