Mot de la présidente Juillet 2021
Chers membres,
Chers partenaires,
Au nom du conseil d’administration de la SARTEC, permettez-moi d’abord de vous parler de la controverse que certains vivent ou ont vécue à l’égard du crédit possessif, de vanité ou narcissique sur l’œuvre cinématographique, le « un film de ».
Lorsqu’« un film de » est suivi uniquement du nom du réalisateur d’une œuvre qu’il n’a pas écrite seul, il va à l’encontre des normes minimales établissant l’égalité d’importance et de rang scénariste-réalisateur. Si, en contrepartie de certains engagements, notre conseil d’administration a consenti, sans admission dans des transactions confidentielles, que ce crédit puisse ne pas être changé pour « une réalisation du réalisateur », cela ne signifie pas, au contraire, que ce crédit au seul réalisateur peut se reproduire au générique et dans la promotion de nos films.
À l’ère du mouvement moi aussi et d’écoles comme L’inis, la tendance, aujourd’hui, est de privilégier des comportements plus respectueux et des mots justes comme « ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR », « un SCÉNARIO de son auteur » et « une RÉALISATION du réalisateur ».
Premier titulaire du droit d'auteur sur son scénario (1), le scénariste est réputé coauteur de l’« œuvre cinématographique» avec le réalisateur (2). Chez nos partenaires de gestion collective, à la SACD Montréal, la répartition de leurs droits respectifs pour les diffusions d’une œuvre cinématographique au scénario original est de 60% pour le scénariste et de 40% pour le réalisateur.
Sans le scénario, personne ne saurait quoi tourner ni disposer, au montage, du matériel pour offrir une œuvre, que le scénario à tourner soit basé sur une histoire originale ou inspirée d’une œuvre préexistante. Et c’est avec le concours d’autres auteurs, comme le compositeur de la musique, et d’une panoplie de créateurs, de techniciens, d’interprètes, de producteurs et de professionnels qu’un film voit le jour.
L’œuvre cinématographique est une œuvre de collaboration. Passons le mot.
L’avenir incertain de C-10 et du contenu canadien
Au moment d’écrire ces lignes, le sort du projet de loi C-10 modernisant la Loi sur la radiodiffusion était toujours préoccupant. Adopté en chambre le 21 juin, le projet a franchi, le 29 juin, l’étape de la deuxième lecture au Sénat. Comme plus de 200 000 auteurs, créateurs, interprètes, producteurs et professionnels réunis à la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC), prions les sénateurs de permettre son adoption, espérant que des élections ne viendront pas interrompre la modernisation de notre système de radiodiffusion.
Dans ce système, insistons pour que la voix des auteurs d’ici reste au cœur de la définition du contenu canadien. Sans une meilleure réglementation en faveur des histoires d’ici, des millions par mois ne seront toujours pas réinvestis dans de nouvelles œuvres et notre visibilité demeurera insuffisante sur les plateformes offertes aux Canadiens.
C’est pourquoi le Fonds des médias du Canada (FMC) doit demeurer un fonds à 10 points. La condition d'admissibilité de la majorité du financement télévisuel exige cette certification 10/10 du BCPAC:
- Scénariste (2 points)
- Réalisateur (2 points)
- Premier et deuxième interprète principal (interprète ou voix) (1 point chacun)
- Décorateur (1 point)
- Directeur de la photographie (1 point)
- Monteur de l’image (1 point)
- Compositeur de la musique (1 point)
Or, l'exigence minimale du crédit d'impôt pour la production audiovisuelle canadienne (CIPC) est de seulement 6 points sur 10, deux points étant obtenus par le scénariste OU le réalisateur. Comme le CRTC a adopté une définition similaire, soyons vigilants que cette norme insuffisante de six points ne devienne la nouvelle norme minimale du « contenu canadien ».
L’exigence fondamentale de 10 points des programmes du FMC doit être conservée, voire renforcée, les scénaristes et leurs collaborateurs étant essentiels au contenu véritablement canadien. Le rapport final du Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications, L’avenir des communications au Canada : le temps d’agir, énonce que [page 167]:
« (…) les productions dont tous les postes clés de création sont occupés par des Canadiens et des Canadiennes, et dont la scénarisation, la réalisation et l’interprétation des rôles principaux sont assurées par des Canadiens et des Canadiennes, sont plus susceptibles de représenter les perspectives canadiennes. »
Si ce n'est pas le cas, il n’y aura plus de véritable « contenu canadien ». Notre mobilisation collective sur cette question sera déterminante.
Améliorer la Loi sur le statut de l’artiste, une autre priorité
Le gouvernement de François Legault s’est engagé à déposer un projet de loi visant à améliorer la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma encadrant les relations artistes-producteurs. Tout auteur, à un moment ou à un autre de sa carrière, a subi les carences de la loi: cachets proposés inférieurs aux standards, difficulté à être payé, négociations traînant en longueur au mépris de conditions décentes... Heureusement, la ministre Nathalie Roy a réitéré sa volonté de déposer son projet de révision.
Au nombre des priorités de la SARTEC, tous les auteurs doivent être protégés par la loi. La législation doit être modernisée pour mieux atteindre ses cibles et les fonds publics doivent être distribués plus convenablement. Le mémoire présenté à Québec par la SARTEC peut être consulté ici.
La SARTEC travaille avec la FNCC/CSN et des associations de différents secteurs sur cette révision tant attendue. Lors de son adoption, la Loi visait à nous doter d’un régime de négociation collective adapté. Or, des lacunes importantes ont contribué à maintenir l’état de précarité et de pauvreté auquel sont soumis un trop grand nombre. Il faut renforcer nos droits et améliorer nos conditions pour assurer l’épanouissement et le rayonnement des arts et de la culture d’ici.
La présidente de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma,
Chantal Cadieux
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1 La titularité du droit de l’auteur du scénario est expressément reconnue dans la Loi sur le droit d’auteur et dans les ententes collectives, accords-cadres et contrats types de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC)
2 Les Films Rachel Inc. v. Duker & Associés Inc. et al. [1995] J.Q. no 1550 (QL).