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Robert Etcheverry

À la vitesse grand V

21 octobre 2018
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Bloc texte

Mathieu Plante

 

Les choses bougent vite dans notre industrie, mais pas toujours dans la bonne direction. Nous souffrons de sous-financement, les revenus publicitaires et d’abonnement des chaînes traditionnelles sont à la baisse et les revenus pour la diffusion de notre travail semblent être inversement proportionnels à la multiplication des plateformes numériques. Dans ce contexte inquiétant pour la suite des choses, nous avons encore de grands combats à mener. Permettez-moi de vous mettre brièvement au parfum de nos travaux à propos de la révision de lois essentielles pour les créateurs d’ici, mais, d’abord de la renégociation de l’accord de l’ALÉNA.

 

ALÉNA

Nos angoisses à propos de la réouverture de l'Accord de libre-échange nord-américain qui menaçait depuis plus d’un an l’essentielle exemption culturelle ont été calmées le premier octobre, alors que nous apprenions que cette exemption allait être maintenue dans le nouvel accord désormais baptisé Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). 

Nous sommes heureux de constater que l’insistance de notre milieu à enjoindre le premier ministre du Canada à ne pas lâcher prise ait été entendu. Dans une lettre que nous lui avions envoyée à cet effet, nous rappelions la nécessité de maintenir cette exemption culturelle globale, et nous déplorions que les États-Unis aient exigé du Mexique des concessions en matière de culture au chapitre du commerce électronique. Notre joie a donc été immense d’apprendre que la protection négociée s’étendra au contenu circulant sur les plateformes numériques. De plus, elle prévoit que la durée de protection du droit d’auteur passe de 50 à 70 ans après la mort de l’auteur, comme c’est actuellement le cas dans plusieurs autres législations dans le monde.

Nous devons féliciter le premier ministre Justin Trudeau, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, le ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez et celle qu’il a remplacée, Mélanie Joly, ainsi que les négociateurs et intervenants ayant contribué à cette victoire fondamentale pour l'avenir de notre souveraineté culturelle.

Mais la préservation de cette exemption culturelle n’est qu’une bonne nouvelle à court terme et non une fin en soi.

Il faut maintenant que cette volonté de préservation de notre culture se traduise par un cadre réglementaire et législatif mieux adapté au numérique.

À ce chapitre, le gouvernement fédéral a entrepris de réviser ses lois afin que nous puissions faire face aux défis du numérique. Dans ce contexte, nous insisterons de nouveau sur l’urgence d’adapter notre environnement juridique et réglementaire pour assurer la pérennité des industries culturelles d’ici et la juste rémunération de ses créateurs.

Loi sur le droit d’auteur

Le 19 septembre dernier, à Ottawa, nous avons plaidé devant le comité de l’industrie chargé de la révision de cette Loi essentielle pour les créateurs afin que ses dispositions soient actualisées et mises au diapason des meilleures pratiques internationales permettant d’associer les créateurs aux retombées économiques de leurs œuvres. Le sujet sur toutes les lèvres : la directive adoptée par le Parlement européen une semaine plus tôt, qui mettait enfin à jour les règles en matière de droit d’auteur sur le marché numérique et garantissait une équité de rémunération et de reconnaissance aux artistes, éditeurs d’informations, auteurs et interprètes.

Les parlementaires européens ont en effet adopté un texte forçant notamment les sites de partage de contenus à s’entendre avec les titulaires de droits. Nous avons invité le Canada à s’en inspirer. 

Lors de cette audience, nous avons d’abord dénoncé les exceptions injustes introduites dans la Loi, qui permettent notamment d’utiliser des œuvres sans avoir à payer les créateurs, ce qui affecte leur capacité à être justement rémunérés et à continuer de créer. Nous avons par ailleurs demandé que le Régime de copie pour usage privé soit étendu aux œuvres audiovisuelles, qu’un montant soit perçu par exemple lors de la vente de tablettes numériques sur lesquelles les œuvres audiovisuelles sont reproduites sans compensation. Les créateurs et les producteurs canadiens de l’audiovisuel sont les grands oubliés de ce régime qui fonctionne pourtant bien dans de nombreux pays, et dont bénéficient les créateurs d’œuvres musicales au Canada. 

Nous avons d’autre part demandé de nouveau l’ajout d’une présomption de cotitularité de l’auteur de l’œuvre audiovisuelle au profit du scénariste et du réalisateur conformément à la jurisprudence canadienne, une extension de la protection des œuvres de 50 à 70 ans suivant la mort de l’auteur conformément au droit international, ce qui a d’ailleurs été intégré à l’AEUMEC. Finalement, nous avons demandé une amélioration du respect de la propriété intellectuelle pour les œuvres audiovisuelles numérisées et diffusées sur les plateformes numériques.

Le comité chargé de l’examen de cette Loi remettra son rapport en juin 2019 et ce sera alors au gouvernement fédéral de décider quels seront les changements à apporter à la Loi. D’ici là, la SARTEC continuera de plaider pour une modernisation de la Loi en faveur de nos créateurs et de notre économie.

Révision des trois lois régissant le CRTC

Encore il y a quelques mois, je ne comprenais moi-même pas très bien la différence entre ces fameuses lois. 

La Loi sur les radiocommunications chapeaute les licences et certificats techniques que les diffuseurs doivent obtenir afin de pouvoir diffuser sur les ondes. Ce qu’on appelle le spectre. La Loi sur les télécommunications contrôle les fournisseurs internet et autres entreprises de télécommunication, tandis que la Loi sur la radiodiffusion régit les émissions transmises sur les ondes radioélectriques ou tout autre moyen de télécommunication.

En juin dernier, le gouvernement du Canada mandatait un groupe d'experts indépendant afin qu’il examine le cadre législatif des communications du Canada et formule des recommandations à Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien, responsable de la Loi sur la radiodiffusion, ainsi qu’à Navdeep Bains, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, responsable de la Loi sur les télécommunications

Il existe selon nous un réel danger de fusionner ces deux lois, comme certains le souhaiteraient. L’aspect purement économique de la Loi sur les télécommunications menacerait alors de polluer la Loi sur la radiodiffusion. Comme nous pouvons le lire dans la formulation actuelle de cette loi : « … le système canadien de radiodiffusion, composé d’éléments publics, privés et communautaires, utilise des fréquences qui sont du domaine public et offre, par sa programmation essentiellement en français et en anglais, un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l’identité nationale et de la souveraineté culturelle» 

La télévision, la radio, et les autres plateformes sont des éléments clés de la bonne santé de notre tissu social et de notre culture.

Il faudra nous prouver que cette fusion puisse être bénéfique avant que nous décidions de l’appuyer. Pour l’instant, nous sommes loin de considérer la chose comme potentiellement bénéfique. 

Nous espérons que l’issue de ces travaux, auxquels nous contribuerons cet automne, soutiendra le principe selon lequel tous les joueurs qui tirent des bénéfices des contenus culturels doivent contribuer au maintien et à la valorisation de notre identité et de notre souveraineté culturelle. Je vous tiendrai évidemment au courant des développements dans ces nombreux dossiers.

 

 

 

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