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Yves Lacombe

Vingt-cinq ans de décroissance

7 mai 2014
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Bloc texte

Sylvie Lussier et Luc Thériault

Je suis à Radio-Canada depuis vingt-cinq-ans. Pigiste, bien entendu. Déjà, à l’époque, on n’y engageait plus d’animateurs ou de scénaristes permanents. J’avais raté l’âge d’or. Pourtant, avec le recul, je peux vous affirmer qu’il y avait encore de fichus beaux restes. Le secteur jeunesse n’était plus aussi florissant bien entendu, mais jouissait encore d’une solide équipe de créateurs, concepteurs, infographistes, réalisateurs et du costumier ! Le costumier ! La caverne d’Ali Baba. Malgré des budgets plutôt faméliques, grâce au dévouement et au talent de tout ce beau monde, Pierre Poirier et moi avons pu nous régaler à incarner n’importe quel personnage loufoque qui nous venait à l’esprit durant les onze saisons de Bêtes pas Bêtes Plus.

Et puis… le costumier a pour ainsi dire disparu. Les différents secteurs de créations ont été réduits à la portion congrue ou carrément éliminés.  La collégialité qui régnait, l’émulation entre les équipes, les départements, l’effervescence de la création enrichie par l’apport de tous, foutu au gré des coupures de poste ! J’ai vu le secteur des émissions jeunesse disparaître sous mes yeux.

Quant au secteur des émissions dramatiques, un autre fleuron de la Société d’État, sa fin est proche. L’auberge du chien noir sera probablement le dernier téléroman produit à l’interne de Radio-Canada. Je vivrai donc aussi la disparition des téléromans maison.

Bien sûr, les producteurs privés offrent d’excellentes émissions et peuvent prendre la place laissée vacante par la production interne pour continuer à nous offrir de la télévision de qualité. Mais qui fera de la radio comme Radio-Canada en fait ? Qui fera Découverte ? Avez-vous  vu l’émission du 20 avril dernier qui traitait d’autres coupures fédérales, en sciences celle-là ? Assez édifiant sur le mode de pensée de notre gouvernement actuel qui musèle les chercheurs dont les résultats de recherches pourraient nuire au sacro-saint développement économique. Il faut de l’audace, de l’indépendance, de la rigueur, de l’expérience et de la crédibilité pour produire une émission pareille. Il faut aussi le budget nécessaire.

Il y a une limite aux coupures budgétaires et de postes que la Société peut subir en espérant garder sa pertinence.

Radio-Canada est essentielle. Pour la diffusion de l’information, de la culture, de la science canadienne et internationale.

On a aussi tendance à oublier que pour ceux qui sont éloignés des grands centres et pour les francophones hors Québec, Radio-Canada joue un rôle primordial. C’est pourquoi je laisse à Luc Thériault, représentant des régions au conseil d’administration de la SARTEC, le soin de conclure ce billet.»

Luc ThériaultDésolant dites-vous? Choquant? Révoltant?  Oui, oui et oui.

Nous sommes en train d’assister à la mort à petit feu d’une institution qui est profondément ancrée dans la culture de l’ensemble des francophones du Canada. Tout le monde en sort perdant.

Ironiquement, les anglophones ont une expression qui décrit très bien la situation, « death by a thousand cuts », la mort par mille et une coupures. Désolant dites-vous? Choquant? Révoltant?  Oui, oui et oui. Mais force est d’admettre que bientôt, nous ne reconnaîtrons plus notre diffuseur national. Le problème est que rien ne semble pouvoir arrêter cette lente asphyxie qui dure depuis déjà trop longtemps. On dirait qu’on tient maintenant pour acquis que chaque année, le président de Radio Canada fera l’annonce de coupures importantes et promettra que l’institution tiendra le coup. Chaque année les voix qui dénoncent la situation se font de moins en moins fortes. Chaque année on semble se résigner à l’inévitable. Quelqu’un quelque part doit se dire : « On va les avoir à l’usure ». Malheureusement, les derniers événements semblent lui donner raison.

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