Prod. BOOKNOO
Entrevue couillue avec Martin Petit
Geneviève Lefebvre
GLAMOURAMA - des scénaristes dans tous leurs états
Vous le présenter en un mot comme en mille ? Grand. Il est grand. De cœur, d'esprit, et de... couilles.
Je ne suis évidemment pas allée vérifier « in situ », mais pour faire son entrée dans le merveilleux monde des scénaristes avec un scénario intitulé « Starbuck », un hommage à cette bête en rut généreuse de sa semence qu'a été ce viril bovin, il fallait en avoir.
GL : L'idée* originale vient de toi... Quelle est la première image que t'as vue dans ta tête quand t'as pensé à cette histoire-là... ?
MP : J'ai une image et c'est celle de Starbuck, le taureau, seul dans son pré. Puis par anthropomorphisme, je me suis vu, moi qui venais d'avoir mon premier gars, et j'ai été troublé de penser 2 secondes que je puisse moi-même être un géniteur ignorant. Cette l'image d'une grande injustice, quand la paternité nous comble de joie, comme c'est le cas pour moi. C'est aussi la grande particularité des hommes, de pouvoir donner la vie sans le savoir, la vie nous a conçus avec cette part de risque, contre laquelle les meilleures précautions ne sont parfois pas suffisantes.
GL : Donner la vie sans le savoir, ça ne se peut pas en scénarisation ! :-) J'en conclus qu'il y a un moment où tu t'es dit « tiens, je tiens quelque chose avec ce taureau »... Tu cherchais déjà une idée pour un film ou c'est le taureau tout seul dans son pré qui s'est imposé à toi en beuglant « je veux que tu fasses de ma vie un film »?
MP : Je dois avouer que j'ai une vie intérieure très fantasmatique. J'ai beaucoup d'histoires qui flottent comme ça, et c'est d'ailleurs très utile puisque mon métier d'humoriste m'oblige à de longs voyages solo en voiture. Le hasard s'en est mêlé quand Ken Scott et moi sommes allés nous lancer la balle au parc Jeanne-Mance (je traîne toujours 2 gants de baseball et une balle dans ma Smart). Se lancer la balle convient très bien à la dynamique d'un « brainstorm », le corps est actif et les échanges demandent plus d'attention. C'est pendant cette séance que j'ai « lancé » l'idée, que Ken a aussitôt attrapée et le soir même il me rappelait pour me proposer d'en faire un film. Disons que l'idée fut comme l'ovule et que Ken Scott joua le rôle du spermatozoïde consentant.
GL : Des étapes qui ont suivies, le synopsis, le séquencier et les versions dialoguées, de laquelle t'as tiré le plus d'enseignements ? Tu sais, du genre « Ahhhhhhhhh ! Je viens de pogner de quoi » !
MP : J'ai eu la chance d'écrire sous la tutelle experte de Ken Scott. Ken possède une façon de fonctionner acquise avec le temps et il fut facile de construire une V1 en restant dans son sentier. Le plus difficile pour moi est de « fixer » des éléments puisqu'en humour rien ne peut être coulé dans le béton tant que le spectateur ne donne pas son rire approbateur. Pour arriver à bout de raconter une histoire, il faut choisir et vivre avec ses choix. Le synopsis a donc été source de longues discussions, un processus qui est de toute évidence plus facile à faire seul qu'en duo. J'ai d'ailleurs très hâte d'écrire un scénario seul pour pouvoir comparer l'expérience.
Je crois que le plus difficile est de finir une « V1 » en sachant qu'il y aura des améliorations à faire. Une fois la première version enfin complétée on a une matrice sur laquelle les autres peuvent commenter et sur laquelle surtout méditer. En humour c'est le nerf de la guerre, il est très facile de mettre des bons gags sur une histoire riche qui se tient, alors qu'il est fastidieux de raboudiner une histoire à partir d'idées comiques.
Je me suis senti beaucoup plus à l'aise dans le fignolage du scénario. J'ai une véritable passion quand il est question de détails humoristiques et dans mon métier de « stand-up » on est servi. Comme scénariste je comprends mieux que cette obsession du détail puisse mener plusieurs scénaristes vers la réalisation.
GL : Puisqu'on cause d'histoires « riches », qu'est-ce que tu penses du vieil adage qui dit que pour faire de la comédie, il faut d'abord un drame ?
MP : Ma référence (ça nous situe dans la vie) c'est le Jour de la marmotte écrit par Harold Ramis et Danny Rubin, c'est une comédie hilarante qui repose notre responsabilité de donner du sens à nos vies malgré son absurdité évidente. Pour moi c'est un tour de force, car toutes les couches de réflexion sont ressenties sans être soulignées et sans ralentir le récit.
« Starbuck » aborde une situation où le personnage a donné énormément de sperme et qui a 533 enfants, c'est évocateur, mais très dangereux, car le danger, ou la tentation de cabotiner, était grande. Outre l'aspect comique, il y a un drame réel, celui des donneurs qui ne seront jamais les vrais pères de leurs enfants, ce qui serait, du moins pour moi, une grande perte.
GL : Est-ce que le fait d'avoir traversé l'épreuve de la scénarisation te fait voir la structure, le « pacing », de tes shows « live » autrement ?
MP : Je ne pense pas que je vais changer ma façon d'aborder l'écriture, que ce soit pour la scène ou le cinéma, ce qui m'intéresse c'est de créer une nouvelle histoire. Je n'adhère pas à l'expression qui dit « tout a été fait mais pas par moi », tout n'a pas été fait au contraire, et comme en matière d'éthique politique, il reste beaucoup à faire.
GL : Il ne me reste plus qu'à te souhaiter la bienvenue dans le club des scénaristes, Martin.
MP : Oh, merci pour le baptême ! J))
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Évidemment, puisque Martin se fait un plaisir de les défoncer un à un dans son show, j'aurais pu lui poser la question « tabou », celle à laquelle il n'aurait absolument pas voulu répondre. Comme, heu... « Est-ce que tu penses que tu aurais un jour envie d'écrire autre chose que de l'humour » ?
Je me suis abstenue. Brave fille.
Ça ne vous empêche pas de lui poser toutes les questions « tabou » qui vous viennent en tête sur son blogue, dont je vous donne l'adresse ci-dessous !
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Cet article a été publié dans l’info-SARTEC d'avril 2011.
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