Questions pour la rentrée
Mathieu Plante
Eh, oui! C'est déjà la rentrée. Fini les plages, les popsicles et les patios. Les enfants sont retournés à l'école et l'été entre tranquillement en hibernation. Notre seule consolation à part le bouilli de légumes, les toutes nouvelles séries télé créés par nos auteurs québécois. Voici ce qu'ils ont à nous dire à propos de leurs nouvelles créations...
→ Diffusée les mardis à 19 h 30 à TVA, la comédie dramatique Un sur deux porte sur l'amour après l'infidélité. J'ai tenté de rejoindre à tour de rôle les auteurs Donald Bouthillette et Daniel Chiasson. Le premier à me répondre a été Daniel. Désolé Donald.
Donald Bouthillette et Daniel Chiasson. © Photo : Yan Turcotte
Daniel, l'idée de construire une série autour de l'idée de l'amour après l'infidélité, ça vient d'où?
En fait, l'idée a beaucoup évolué. Au départ, c'est un projet qu'on avait déposé à TVA sur les réseaux rencontre. On mettait alors plusieurs couples en scène, mais on a finalement choisi de s'attarder à un seul couple. C'est comme ça que l'idée est arrivée, un peu par accident et le couple qu'on a choisis avait cette particularité-là.
Et est-ce que c'est la première fois que vous travaillez avec Donald Bouthillette?
Non, non. On a fait l'École nationale de l'humour ensemble. Après ça, on s'est recroisé sur Fun noir. On a aussi écrit ensemble sur la série Il était une fois dans le trouble. Depuis ce temps-là, on a vraiment beaucoup travaillé ensemble, on a développé plein de projets qui n'ont pas vu le jour, Un sur deux c'est le premier qui aboutit à la télé.
Comment vous séparez-vous le travail, c'est quoi vos forces?
Le synopsis et le scène à scène, on travaille ça ensemble. Soit qu'on se rencontre en personne, soit qu'on Skype, pour vraiment inventer l'histoire et surtout comment on veut la raconter. Et pour les dialogues, on a un super système : il y en a un qui prend les scènes paires et l'autre les impaires. C'est pas plus compliqué que ça.
→ Écrit par Frédéric Blanchette et Steve Laplante, Tu m'aimes-tu? est diffusé les mercredis à 21 h 30 sur les ondes de Radio-Canada.
Frédéric Blanchette. © Photo Daniel Desmarais.
Frédéric, est-ce que ça été difficile de passer de l'écriture théâtrale à l'écriture télévisuelle?
Oui, ça été une grosse adaptation. C'est ma première série télé, je l'ai écrite avec Steve Laplante qui joue aussi un des rôles principaux de la série. Ça nous a pris sept ans. Mais comme on travaillait avec Michèle Tougas comme script-éditrice, qui est une des meilleures au Québec, on était vraiment bien entouré.
C'est quoi exactement votre angle sur les relations amoureuses?
On voulait montrer des personnages de gars amoureux, romantiques et engagés. On en voit beaucoup autour de nous des gars qui sont très impliqués dans leur relation amoureuse, des gars très romantiques, mais on n'en voit pas souvent au cinéma ou à la télévision. Nous, c'est le type de gars qu'on voulait présenter. Plus tard dans l'écriture, on a développé trois personnages qui ont chacun une vision différente des relations amoureuses, pour montrer trois postures bien distinctes par rapport à l'engagement amoureux.
Steve Laplante. © Photo Maxime Côté.
Comment vous séparez-vous le travail, toi et Steve Laplante? Vous vous complétez bien?
Oui! On brainstorme ensemble, on structure l'épisode et on écrit le scène à scène ensemble. Mais ensuite on se sépare les personnages et on part chacun de notre côté pour les dialogues. Comme on a trois personnages principaux, on s'en choisit chacun un et le troisième, ça dépend de celui de nous deux qui a eu la majeure à écrire.
→ Voilà sept ans qu'on attend impatiemment la nouvelle série de Claude Meunier. Adam et Ève débarquent à Radio-Canada tous les mercredis à 21 h. Et pour calmer votre indignation, je ne tutoie pas Claude Meunier pour lui manquer de respect, mais bien parce que je le connais pratiquement depuis que je suis né.
Claude Meunier. © Photo Monic Richard.
De ce que j'en comprends, c'est un peu moins absurde que tes autres shows, est-ce que c'était un choix conscient dès le départ?
Non, pas du tout, c'est vraiment pas plus classique.
Ah, non? Y'a vraiment l'absurde de Meunier là-dedans?
Totalement, c'est une série qui me ressemble beaucoup. C'est assez éclaté, même dans la forme : un même couple à trois âges différents qui vivent aujourd'hui dans le même bloc, mais qui ne se croisent jamais. Je voulais montrer le décalage entre ce qu'on croit et ce qui se passe vraiment dans la vie, entre ce qu'on projette de nous même et ce qui arrive pour vrai dans la réalité. Montrer que la vie est un peu comme une casse au billard : les boules revolent n'importe où. Montrer comment, la vie n'est qu'une suite de hasards, qu'on n'est pas maître de notre destinée, finalement. Chaque émission a un thème. Les illusions, les convictions, etc. Ces illusions qu'on a quand on est jeune, qu'est-ce qui en reste à 40 ans, à 80 ans? Donc, dans chaque épisode, on fait un peu le tour d'une vie, en 22 minutes.
Je suis aussi content de te dire, parce que c'est la première fois que je le dis : j'ai écrit ça sans me forcer. Je ne voulais pas absolument faire quelque chose de différent de La petite vie. Je me suis pas forcé à créer un style ou un genre. J'avais le goût d'écrire sans penser à rien. J'étais en voyage en Provence et je devais faire un autre projet, mais celui-là m'a sauté dans la face. Je me suis mis à écrire très rapidement et c'est sorti de même, avec beaucoup de spontanéité.
Les séances de lecture avec les comédiens, c'est incontournable pour toi?
Ah, oui! Très important! C'est une technique que j'ai découverte et mise au point par accident, dans le temps, alors qu'on ne pouvait pas faire de pilotes. Je voulais remplacer ce que les pilotes peuvent nous amener, c'est-à-dire un certain recul. Ça m'aide à façonner mes personnages et mon style. Au début, j'implique même les gens des décors et des costumes, pour qu'ils voient le style de la série. Et là, j'ai aussi découvert que c'était une excellente façon de peaufiner les textes.
Je fais une première version et on la lit avec les comédiens. Même des comédiens qui ne sont pas encore engagés. Pour voir leur intérêt et leur talent. (rires) Donc, c'est aussi un peu comme une audition. Je fais au moins trois lectures pour chaque épisode et après je peaufine mes dialogues.
Denys Arcand comme conseiller à la scénarisation, c'était pas la première fois?
Non! Denys a été consultant sur Ding et Dong le film. Denys c'est un vieil ami avec qui je rie beaucoup. Il est très drôle, très sarcastique, presque fataliste. Notre travail, c'était simplement de jaser. On a parlé énormément des différents thèmes qui sont dans la série. Sa grande force, c'était sur l'authenticité du récit, pour que ce soit vrai et plausible. D'avoir une espèce de cohérence avec les personnages. Denys c'est un anthropologue, un vrai philosophe. C'était vraiment tripant, on a beaucoup ri.
Et tu as coréalisé avec Frédéric Desjardins?
Non, ça été mal perçu. C'est moi qui ai réalisé toute la série. J'ai tout fait mon découpage moi même. Frédéric Desjardins m'a aidé au niveau de la préparation et il a aussi fait quelques scènes et m'a accompagné pour le montage.
Et c'était la première fois que tu réalisais?
Non. J'ai réalisé mon film, Le grand départ.
Ben oui, c'est vrai.
Et j'ai très souvent dirigé des comédiens dans ma vie. Tu sais, Mathieu, au cours des années, j'ai dû faire à peu près une heure et quart de pubs. Toutes mes pubs pour Pepsi, c'est moi qui les ai réalisées. Et j'étais toujours très présent au niveau du montage.
→ Après plusieurs saisons du téléroman La Promesse à TVA, Danielle Trottier change complètement de ton avec la dramatique Unité 9 qui sera diffusée à Radio-Canada les mardis à 20 h.
Danielle Trottier. Gracieuseté.
Est-ce que l'idée vous trottait dans la tête depuis longtemps?
En fait, j'ai travaillé au moins cinq ans avant qu'on ait le go d'un diffuseur. On sait que ça peut souvent être très long. Comme auteur, et je pense que tous les auteurs peuvent se reconnaître dans ça, on cherche tous l'histoire qui n'a jamais été racontée. Ma tête travaillait dans ce sens-là jusqu'au jour où j'ai trouvé cette prémisse de départ : qu'est-ce qui m'arriverait à moi si j'étais incarcérée? Je ne connaissais pas du tout le milieu carcéral, j'ai donc commencé une démarche pour vérifier s'il y avait là un enjeu dramatique sérieux.
Vous avez fait beaucoup de recherche?
Je ne veux pas parler d'aucun contact que j'ai eu à l'intérieur, je préfèrerais ne jamais y faire référence, par respect pour eux. Mais je peux vous dire que j'ai fait une immense recherche pour ce projet. J'ai rencontré beaucoup de détenus, surtout des longues sentences. Je ne me suis pas intéressée au milieu carcéral fédéral qui reçoit les détenus aux sentences plus lourdes. Ce qui m'intéressait, ce n'était pas le crime en soi, mais plutôt l'avant et l'après. Je voulais voir la transformation humaine. J'ai surtout posé mon regard sur des personnes qui faisaient des sentences de plus de deux ans.
Est-ce que l'écriture a été longue, difficile?
Non, au contraire. Ça été vraiment extrêmement stimulant. Je commence à avoir une certaine expérience d'auteur. On finit par développer des outils, une stratégie de travail qui nous permet d'être plus sûres de soi. Et dans ma recherche, j'ai trouvé tellement de matériel que je n'avais pas de doute que j'avais une histoire. J'ai scénarisé tous les épisodes, mais aussi travaillé avec deux dialoguistes, Geneviève Baril et Louise Danis. Donc on dialoguait à six mains.
C'est vraiment un changement de ton après La Promesse?
Oh, oui, un très gros changement de ton. Mais c'est le sujet qui détermine le ton, ce n'est pas l'auteur.
→ La série documentaire Police scientifique de Jean Sawyer, diffusée sur Canal D les vendredis soirs à 19h00 explique, en dix épisodes d'une heure, l'impact des sciences et de la technologie sur les enquêtes policières.
Jean Sawyer. Gracieuseté.
C'est votre travail de journaliste qui vous a donné cette idée?
Oui, moi je suis journaliste à Radio-Canada. L'idée de la série vient surtout d'une frustration. En télé, on fait toujours une minute 45 secondes sur un fait divers et ensuite on rentre à la maison et c'est terminé. On va jamais vraiment au fond de l'histoire, même si dans un fait divers, il y a toujours beaucoup de ramifications : l'enquête, le procès, la condamnation. Donc, moi ce que j'ai fait c'est prendre les histoires qui m'avaient marqué et je les ai passé au « blender » pour comprendre comment la science a pu être déterminante dans la résolution de certains dossiers. Par exemple l'affaire Natascha Cournoyer, cette femme qui est sortie du travail et qui a été kidnappée par le prédateur sexuel Claude Larouche. Dans le processus, j'ai remarqué à quel point les biologistes judiciaires québécois étaient avancés dans leur art. C'est extraordinaire ce qu'ils font ces gens-là.
Vous avez commencé la série en février 2009. Est-ce que l'écriture a été longue, difficile?
Très difficile. Au-delà de toutes les embûches habituelles d'une production comme ça. Mais Avanti a été extraordinairement patient avec moi qui ne suis pas un auteur. Canal D aussi nous a beaucoup aidés. Mais ça été vraiment difficile de négocier avec la police, qui ne veut pas trop en divulguer au public pour des raisons évidentes. Les techniciens en crime sont des gens qui vivent presque en ermite, des gens très discrets. Donc, ça été beaucoup de travail de les convaincre de participer au projet.
Je voulais pas non plus que ma série devienne une encyclopédie du crime pour donner des trucs aux malfaiteurs. Les criminels sont à l'écoute et peuvent trouver des trucs pour contrer les enquêtes de la police. Et ça s'est déjà vu. Sur le cas d'un pédophile canadien qui a été arrêté en Thaïlande, il y a un policier qui en a juste un peu trop dit sur comment ils l'avaient capturés et un peu plus tard la communauté des pédophiles sur le web avait mis à jour l'information. J'avais donc une immense responsabilité envers les victimes potentielles.
→ La série documentaire Rendez-vous avec la mort de Marc Grégoire est diffusée à Canal D les jeudis soir à 21h00. Encore une fois, ce n'est pas pour lui manquer de respect que je le tutoie, mais bien parce que je connais cet ancien président de la SARTEC comme si je l'avais moi-même tricoté...
Marc Grégoire. © Photo Marie-Claude Lapointe.
Marc, c'est quoi le concept de ta série?
Chaque épisode raconte l'histoire de quelqu'un qui est mort. On sait que ça va arriver, mais on ne sait pas comment. Et comme on dit au début de chaque épisode, c'est toujours une mort qui aurait pu être évitée. C'est un peu comme un jeu de domino qui se termine par la mort de quelqu'un. Dans chaque cas, si un seul de ces dominos avait été enlevé de la chaîne, la victime ne serait pas morte.
Peux-tu me donner un exemple?
L'histoire de la mort d'un policier lors d'une descente chez Basil Parasiris aux petites heures du matin le 2 mars 2007. On soupçonnait ce gars-là de faire partie d'un réseau de trafiquants de cocaïne.
Basil Parasiris a beaucoup d'armes chez lui, dont une enregistrée. Mais il a déménagé et l'agent Tessier lui-même n'a fait qu'une vérification par adresse dans le registre des armes à feu. Or, il fallait aussi faire une vérification par nom, ce qu'il a omis de faire. Il aurait alors vu que Parasiris avait au moins une arme enregistrée. Et c'est obligatoirement l'équipe du SWAT qui aurait alors fait la descente, et l'agent Tessier n'aurait même pas été présent.
Lors de la descente, les policiers font une entrée dynamique en défonçant la porte. Mais, avec le bruit des pas et des cris, Parasiris ne comprend pas qu'il s'agit de la police. L'agent Tessier se retrouve devant la porte de la chambre de Parasiris. Mais, comble de malheur, il n'a pas mis l'écusson amovible marqué police sur le devant de son gilet pare-balles, mais plutôt dans sa poche. Et sa casquette affichait ville de Laval, parce qu'il n'y en avait plus assez avec le mot police écrit dessus.
Parasiris est certain qu'il s'agit de voleurs et fait feu quatre fois à l'aveuglette. Une des balles ricoche sur l'épaule de l'agent Tessier et lui transperce le coeur. La mort du policier Daniel Tessier aurait facilement pu être évitée...
→ À Télé-Québec, les vendredis à 20 h, la série à sketchs Les Bobos réunie une fois de plus Marc Labrèche et Anne Dorval. J'ai rejoint Marc Brunet pour lui poser des questions sur cette satire du monde des yuppies et leur quête de tout ce qui est branché et tendance.
Vous travaillez avec Marc Labrèche depuis presque vingt ans. Vous vous êtes connus comment?
On s'est connu sur La fin du monde est à sept heures. Toutes les émissions qu'il a faites depuis, c'est moi qui les ai faites.
C'est quoi votre méthode de travail? Vous brainstormez ensemble et ensuite c'est toi qui écris?
Non, non, non. On travaille vraiment en vase clos. Moi j'écris les textes avec Rafaële Germain et on les envoie à Marc, tout simplement. On ne collabore pas du tout au niveau de l'écriture. On ne brainstorme pas ensemble. De toute façon, on n'aurait pas le temps. Mais la confiance est toujours là. Ça, c'est la beauté du fait qu'on se connaisse depuis si longtemps. On se connaît tellement que c'est du sur-mesure dans les deux sens, alors il n'y a jamais de problème.
C'est la Directrice des programmes à Télé-Québec, Dominique Chaloult, qui vous a commandé cette série?
Absolument. Elle est rentrée en fonction en janvier ou quelque chose comme ça et elle nous a demandé si on voulait faire un projet. Une heure, une demi-heure, 24 épisodes, 13 épisodes, n'importe quoi. On a pris trois semaines pour y penser et on lui a proposé un petit document très mince, mais assez clair pour qu'elle voie le produit. Et elle était très contente.
L'idée de faire une satire des yuppies du plateau, c'est arrivé par hasard?
Oui, un peu par accident. Avec 3600 secondes, on avait fait beaucoup de sketchs et on aimait ça. Mais on voulait sortir de créneau des perruques, on donc a choisi des personnages qui se retrouveraient dans tous les sketchs.
Est-ce que ça été long et difficile de trouver le ton ensuite?
Non ça s'est fait très vite. Marc et moi on se connaît tellement, on connaît nos forces. Et on n'avait pas le choix de faire ça vite, parce qu'on entrait en ondes en septembre, on n'avait pas le droit à l'erreur. Mais heureusement, l'expérience et la chimie entre nous deux ont pris le dessus.
Rafaële Germain. © Photo Sarah Scott.
Et avec Raphaël Germain, comment fonctionnez-vous?
On brainstorme une fois par semaine ensemble. Comme dans chaque épisode, il y a à peu près cinq à six sketchs, on se les sépare et on part chacun de son côté. Et ensuite on se les envoi et on peaufine.