Robert Etcheverry
Place aux femmes !
Mathieu Plante
Le 19 mai 2016, la SARTEC, représentée par sa vice-présidente Joanne Arseneau, a pris activement part à la Journée d’étude sur les femmes créatrices, initiée par Réalisatrices équitables. Un événement qui a permis de faire le point sur la situation économique des femmes dans le secteur culturel et donné lieu à la création de la Coalition pour l’égalité homme femme en culture.
Ainsi, bien que l’on compte au Québec 51 % de femmes, la parité dans le domaine des arts et de la culture est encore loin d’être atteinte. Ce n’est pas la première fois qu’une tentative de sonder le fossé économique entre les hommes et les femmes est entreprise, mais c’est la plus poussée à ce jour. Voici donc les chiffres les plus révélateurs, recueillis par une douzaine d’associations, dont la SARTEC.
Les femmes représentent actuellement 40 % des membres SARTEC. Si leur situation apparaît généralement plus enviable que leurs collègues des autres secteurs, du moins en télévision où, par exemple, la parité semble acquise aux heures de grande écoute, c’est nettement moins rose en cinéma.
Selon des données compilées entre 2008 et 2015, 66 % des contrats en développement étaient pilotés par des hommes, contre 21 % par des femmes et 13 % pour les projets mixtes.
En production, les chiffres sont encore moins favorables : 77 % des œuvres ont été scénarisées par des hommes, 16 % par des femmes, et 7 % pour les projets mixtes. Le fait que bon nombre de réalisateurs soient des hommes qui écrivent leurs propres scénarios concourt à cette tendance. Quant aux cachets, un fossé notable est aussi perceptible : 5 % d’écart en faveur des hommes pour le développement et jusqu’à 22 % en production.
L’UDA est composé à 49 % de femmes, mais cette apparente congruence ne saurait nous tromper. Le revenu moyen des actrices en 2014 représentait seulement 74,5 % de celui des hommes, et je ne vous apprends rien en ajoutant que les actrices souffrent davantage du phénomène de l’âgisme et ont en général une carrière beaucoup plus courte que leurs collègues masculins.
40 % des membres de l’AQAD (Association québécoise des auteurs dramatiques du Québec) sont des femmes, et selon des données compilées entre 2000 et 2007, seulement 29 % des textes joués sur scène ont été écrits par ces dernières. L’accès aux bourses et aux activités de développement semble équitable, mais les hommes demeurent deux fois plus nombreux à jouir d’un accès régulier aux feux de la rampe, alors que 36 % des hommes ont trois productions et plus à leur actif contre 18 % des femmes.
Selon le CQT (Conseil québécois du théâtre), 47 % des interprètes sont féminines, mais au chapitre de la mise en scène, elles peinent à dénicher les gros contrats, et ce même dans les théâtres dirigés par des femmes.
Les réalisatrices de l’ARRQ ne constituent que 31 % du membership, alors qu’au sein des institutions d’enseignement en cinéma et télévision, elles représentent parfois jusqu’à 60 % du total des étudiants. Mais la poursuite subséquente du métier de réalisatrice leur réserve de mauvaises surprises, surtout en cinéma, cet éternel « boys club » où plus les budgets sont appréciables, moins les femmes y trouvent une place.
39 % des membres de l’AQTIS (Association québécoise des techniciens de l’image et du son) sont des femmes. Ces dernières sont très présentes au maquillage, aux costumes, aux coiffures et comme assistantes-réalisatrices, mais fort peu nombreuses au son, à l’éclairage et aux effets spéciaux. Les femmes rencontrent aussi d’énormes difficultés à accéder aux postes de chefs sur les plateaux.
Les chiffres ne sont guères plus souriants dans les autres associations. Les femmes ne sont que 27 % des membres de la SPACQ (Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec) et n’obtiennent qu’un maigre 3,2 % des contrats AQPM en télévision. Les femmes sont majoritaires à l’UNEQ (Union des écrivaines et écrivains québécois), soit 55 % des membres, mais il semble malheureusement que les plus hauts échelons de la gloire et de la reconnaissance en littérature soient encore réservés aux hommes. Par ailleurs, les femmes sont très présentes en arts visuels, mais les chiffres du RAAV (Regroupement des artistes en arts visuels du Québec) démontrent une triste réalité : les hommes gagnent en moyenne deux fois plus d’argent que leurs consœurs.
Citant une récente étude de l’UNESCO qui démontre que très peu de gouvernements s’attaquent de façon active au problème de l’iniquité homme femme, le rapport sur La place des créatrices dans les postes clés de création de la culture au Québec met de l’avant cinq recommandations adressées à Québec et Ottawa. Les voici :
1. Les personnes qui contrôlent l’accès à l’emploi et aux moyens de création et de diffusion en culture sont en grande partie responsables de la sous-représentation et du manque de reconnaissance des créatrices. Nous demandons que l’on intègre le critère d’égalité hommes/femmes dans l’attribution des fonds publics aux entreprises culturelles.
2. Nous demandons que l’on intègre le critère d’égalité H/F dans l’attribution des fonds publics qui vont directement aux créateurs et aux créatrices sous forme de bourses et des résidences de création.
3. Nous demandons que toutes les institutions qui distribuent les fonds publics en culture soient tenues de compiler et de rendre publiques annuellement des statistiques H/F dans l’attribution du financement aux créateurs et aux créatrices. Ces statistiques seront ventilées par postes créatifs clés.
4. Sans porter de jugement sur les choix des créateurs et des créatrices, nous croyons qu’il est essentiel d’analyser les personnages et les représentations des hommes et des femmes dans les œuvres et produits culturels. Nous demandons la mise en place d’un observatoire public de la représentation des genres dans les créations culturelles, et qu’il bénéficie d’un financement spécifique et récurrent.
5. Compte tenu de l’omniprésence des nouvelles technologies, il est urgent que les femmes participent de façon égalitaire à la création des œuvres et des produits numériques. Nous demandons d’instaurer des mesures incitatives pour l’intégration des femmes dans les entreprises et les institutions d’enseignement du secteur numérique.
La Coalition pour l’égalité homme femme en culture, constituée par les représentantes de douze associations professionnelles du secteur travaillera à leur mise en œuvre.
Pour sa part, le conseil d’administration de la SARTEC, composé à l’heure actuelle d’une majorité de femmes (5 sur 9) et dont la présidence a été occupée trois fois par des femmes depuis 1992, pour un total de 16 ans, est et restera très à l’écoute des femmes dans l’industrie, ce qui augure bien pour le travail qui reste à faire au chapitre de l’égalité.